Intervention de Christian Rochette, Conseiller Régional, maire de Saint Rémy de Maurienne, Président du SPM lors de la session du Conseil régional le 28 mars 2013 au sujet de l'actualisation du schéma interrégional d'aménagement et de développement du Massif des Alpes.
Monsieur le Président, Chers Collègues,
Pour avoir travaillé pendant 40 ans en montagne et pour la montagne et avoir suivi le premier SIMA de 2006 et les travaux du Comité de Massif préparatifs à la mise en place du second Schéma Interrégional d'Aménagement et de Développement du Massif Alpin, je suis aujourd'hui perplexe et inquiet.
Perplexe car les grands documents d'orientation servent surtout à alimenter les administrations et à réglementer, même si on voit bien ensuite notamment avec la convention alpine le respect qu'il en est fait…
En effet, en matière de transport, le protocole TRANSPORT de la CONVENTION ALPINE interdisait toute nouvelle percée de tunnel dans les Alpes… cela n'a pas résisté au dernier accord FRANCO ITALIEN à Lyon et surtout à la pression des Italiens qui ont fait disparaître la galerie de sécurité au profit d'un second tube.
Du reste, vous allez nous proposer tout-à-l'heure une adhésion à ALPARC qui est paraît-il le seul organe de mise en oeuvre de la convention alpine et de ses protocoles … J'attends toujours sa réaction suite à cette violation du protocole « transport »
Globalement, nul ne saurait s'opposer aux bonnes intentions de ce schéma et surtout pour ceux qui vivent en montagne et grâce à la montagne car :
- Consolider et diversifier les activités spécifiques du massif, n'est-ce pas ce qu'ils font depuis plus d'un demi -siècle ?
- Organiser et structurer le territoire, c'est bien le rôle essentiel des élus de terrain et de nos communes et intercommunalité de montagne, même si d'aucun se plaisent quelquefois à leur contester ce rôle fondamental comme si la lumière, la science et la connaissance des vraies valeurs montagnardes et le dessin de l'avenir de nos populations montagnardes devait impérativement être passé au tamis des « sachant environnementaliste » de nos villes et autre professeur es qualité… qui nous explique le Bien et le Mal.
- Insérer les Alpes françaises dans leur environnement régional, transfrontalier et transnational, dont acte si ce qui se fait de longue date peut être renforcé.
- Et bien sûr garantir nos ressources patrimoniales et naturelles, qui mieux que les habitants et leurs élus peuvent en être les garants, même s'il y a pu avoir par le passé quelques erreurs, la loi est passée à juste titre par là avec la procédure UTN et les équilibres sont aujourd'hui mieux respectés.
La gestion des espaces de montagne se fait, vous le savez, sous l'oeil vigilant des services de l'Etat, les lieux et structures de concertation existent dans lesquels TOUS les Acteurs peuvent faire valoir leurs avis (démarche UTN, mais aussi SCOT, PLU, sans compter les enquêtes publiques).
Aujourd'hui les projets sont largement discutés en amont et quasiment négociés entre toutes les parties.
Alors arrêtons l'opposition stérile entre l'économique, l'aménagement du territoire et l'environnement. Définissons et reconnaissons une bonne fois ce qui est utile et souhaitable pour la montagne, pour ceux qui en vivent, pour ceux qui en jouissent et qui s'en émerveillent tout en évitant la sanctuarisation et la guerre des « egos » environnementaux.
Les débats, les rencontres sur le territoire de la montagne sont trop souvent des plaidoyers pro domo d'un camp du développement contre celui de l'immobilisme et du statu quo, quand n'est pas prôné le retour en arrière.
Je vais maintenant prendre quelques exemples pour montrer que nous sommes pour des évolutions réelles.
Pour la réhabilitation de l'immobilier de loisir, nous proposons qu'un effort soit demandé aux opérateurs immobiliers déjà présents en station qui voudraient construire des lits neufs au lieu de réhabiliter.
Sur le tourisme, nous souscrivons à l'idée qu'il faut le diversifier même si cela reste une gageure et que depuis des décennies on essaie. Nous ne voulons pas pour une mono industrie du ski… cependant « si le tout ski, c'est bien fini, la montagne sans le ski, c'est finie. !»
C'est pourquoi il faut rester ferme sur le pivot essentiel de l'activité et de l'économie de montagne : la neige et la glisse. Nous sommes inquiets, Monsieur le Président !
Nous n'avons pas à rougir des emplois créés en montagne, au contraire nous en sommes fiers. Nous n'avons pas à nous cacher le fait que les ¾ des investissements en montagne sont liés au ski, nous n'avons pas et surtout nous, M. LE PRESIDENT DE LA REGION RHONE ALPES à avoir le SKI HONTEUX ! car c'est bien de cela dont il s'agit souvent, ma collègue vous l'a montré grâce à l'étude réalisée par votre outil touristique RHONE ALPES TOURISME, la montagne c'est le trésor du tourisme rhônalpin !
A l'inverse de ce que votre magazine hiver 2012/2013 a publié en escamotant le ski et la glisse, et en passant le ski par pertes et profits. Mais permettez-moi de relever d'autres incohérences dans votre politique touristique puisquavec RHONE ALPES TOURISME vous misez sur toutes les valeurs intrinsèques de la montagne notamment l'hiver, politique que vous avez valorisée lors de l'inauguration de grand ski en janvier dernier à CHAMBERY , et politique que vous reniez dans votre magazine.
Le schéma interrégional mérite aussi le même reproche car pour un document d'orientation générale, consacré à la zone alpine, la place réservée à l'économie touristique des stations est nettement insuffisante au regard de son apport réel aux Rhônalpins, à ses collectivités territoriales et à ses entreprises, à leurs salariés et aux sportifs du ski (que vous plaisez à recevoir lorsqu'ils font triompher Rhône-Alpes). Nous souscrivons naturellement à la sécurisation de l'emploi saisonnier et nous y travaillons avec les élus du territoire. Que la plus grande région de ski au monde ait le « ski honteux » est non seulement navrant mais peut être considéré comme une faute politique.
Du reste les départements alpins de la Région RHONE ALPES ne s'y sont pas trompés même s'ils sont mesurés pour l'ISERE, remettent cependant tous en cause l'insuffisance de la prise en compte de l'activité hivernale y compris l'ISERE dont le Président PICHOUD du Parc des Ecrins est ni plus ni moins le Président de tous les Parcs Nationaux.
Monsieur le PRESIDENT, le SIMA pour le volet tourisme propose ni plus ni moins que de banaliser, voire de sous-estimer le premier moteur économique et social des territoires touristiques du massif alpin que sont les stations.
Et si les élus du premier Parc National, celui de la Vanoise, sont si rétifs à la nouvelle Charte, c'est non seulement parce qu'ils n'ont pas été considérés comme ils le devaient, mais aussi parce que le projet de charte ne disait à aucun moment que l'on s'assurerait qu'il serait compatible avec l'objectif de consolidation du tourisme et l'agriculture de montagne. C'est pourtant à nos yeux l'une des questions majeures que pose cette charte et sur laquelle les choses doivent évoluer.
Vous comprendrez que mon intervention ait été volontairement axée sur le tourisme alpin et que nous émettions aussi quelques doutes avec la référence à certains projets dont la fameuse prospective pour RHONE ALPES MONTAGNE 2040 ! Car relier les deux dossiers cela ne semble pas opportun, vu les différences de durées, ni à la mesure de l'enjeu du SIMA qui doit être validé pour les 6 ans à venir. De plus, j'en profite pour vous rappeler qu'il semble que les socioprofessionnels attendent toujours d'être sollicités pour MONTAGNE 2040 !
Enfin sur les autres thèmes :
- Sur la thématique de l'eau,
L'enjeu amène à une réflexion collective qui doit impérativement s'appuyer sur une connaissance objective du poids relatif de chacun des usages, puis à une conciliation des usages, voire à des arbitrages sur les différentes utilisations de l'eau.
- Sur la question foncière,
Concernant les conflits d'usages entre une forte demande consécutive aux aménagements économiques et la nécessité de préserver un foncier agricole et forestier fonctionnel, les trames vertes et bleues et les espaces pastoraux et l'environnement, il est à noter que les outils favorisant l'implication des propriétaires dans un sens collectif existent (associations foncières pastorales par exemple).
- La gestion des transports de marchandises et leur distribution nécessitent des solutions adaptées au contexte des territoires alpins, avec la mise en oeuvre de solutions innovantes. La réalisation des accès français du LYON TURIN aura pour objet, avec sa composante fret, de disposer d'un itinéraire performant, beaucoup plus efficace énergétiquement. Les Alpes pouvant être considérées comme un territoire privilégié d'application des transports durables, la restructuration du réseau ferré devra écarter à terme le fret de sites naturels sensibles et de la traversée des principales agglomérations.
- L'amélioration des mobilités transfrontalières, les mesures nécessaires de gestion des trafics internationaux, qui doivent être développées dans les vallées alpines sur la base de critères environnementaux, ne doivent pas entraîner un report de trafic routier. A ce titre, les éventuels Plans de Protection de l'Atmosphère sur certains territoires doivent prendre en considération et réduire fortement le risque de report de trafics de transit. Il faut appliquer les mêmes règles de circulation partout et développer de manière urgente le report modal par des incitations effectives.
De même le maintien des industries électro intensives des vallées alpines doit être préservé en leur permettant de bénéficier de tarifs et quotas au niveau de l'approvisionnement électrique.
En conclusion, nous voterions le SIMA si des ajouts étaient possibles et, surtout, si notre amendement supprimant la référence à 2040 était accepté.